Informations sur le scénario
“Tes papiers et ton portable.” La voix est stricte. Elle ne laisse planer aucune ouverture à la négociation.
Et pourtant, Scar secoue la tête.
“Maintenant.” Le type répète à nouveau. Encore une fois, elle refuse.
Un geste en direction de Travis qui se tient à ses côtés. Scar, elle sent le coup contre sa mâchoire, pire qu’une claque. Elle vacille, manque de tomber au sol si son équilibre n’était pas aussi développé par la gym.
Machinalement, elle vient poser une main désormais tremblante là où l’homme qu’elle aimait vient de la frapper.
“Fais ce qu’il te demande.”
“Va te faire foutre,” qu’elle crache à Travis, la rage inscrite sur le timbre de sa voix. “Tu crois que tu peux me garder ici, et que personne va se demander où j’suis passée ?”
“Non, personne.” L’inconnu ricane. Ses doigts attrapent la mâchoire de Scar pour forcer l’échange des regards. Elle a beau tenter de se débattre, sa force domine la sienne. “Donne-moi ton portable, ça serait dommage d'abîmer un si joli visage.”
“Je t’emmerde.”
Cette fois, le coup la fait tomber. Ses mains claquent contre le sol pour se rattraper et c’est une complainte qui s’échappe de ses lèvres. Elle sent des doigts sur elle, Scar, qui se referment sur ses poignets, avant que d’autres viennent fouiller dans ses poches.
Et elle hurle, elle se débat autant qu’elle le peut alors que son portefeuille et son téléphone sont arrachés à elle.
“T’as dit que ses parents lui donnaient beaucoup de liberté ?”
Travis hoche la tête. Scar peut sentir son parfum qui l’enivrait si facilement y’a encore quelques jours. Ça lui donne envie de vomir, maintenant.
“Ouais, un sms par semaine suffira, ils poseront pas de questions.”
Elle tente encore une fois de se libérer, Scar. Un coup d’épaule, une jambe qui se soulève mais rien n’y fait et la douleur naissant dans ses poignets sous la pression des doigts de Travis est comme un millier d’aiguilles.
“Va falloir la dresser, la petite.” Le type se marre, la gorge grasse alors qu’il s'accroupit face à elle. “Tu vas apprendre à ouvrir les cuisses comme une gentille fille.”


La porte se referme. Elle tremble, Scar. Le dos appuyé contre la tête de lit, les jambes recroquevillées sous sa silhouette alors que l’homme s’approche, tirant sur sa cravate.
“Déshabille-toi.”
Ses doigts chevrotent alors qu’elle fait tomber les bretelles de sa robe coupée bien trop courte. Au moins, il fait plus chaud dans la chambre que sur le perron de l’immeuble, là où les hommes viennent les racoler.
Elle a déjà tenté de fuir, Scar. À deux reprises, et à chaque fois, les répercussions ont été traumatiques. Le corps malmené et l’esprit d’autant plus, enfermée dans une pièce dépourvue de lumière pendant une semaine.
Elle n’ose plus espérer.
Ça fait six mois.
Six mois en enfer.


20 février 2022.
Le lit grince un peu quand elle retombe sur le matelas, le cœur en pleine course et la respiration mise à mal. Ses doigts glissent dans ses cheveux bruns, chassent les mèches qui restent contre son front avant de le regarder, lui.
Charlie se penche sur le côté du lit pour attraper ses clopes dans la poche de son jean. La cigarette est glissée entre ses lèvres, avant qu’il ne tende le paquet en direction de Scar.
Elle secoue la tête. Ça fait quelques jours qu’il lui propose, même si elle continue de refuser.
La fumée s’échappe, montant jusqu’au plafond qu’elle observe pendant quelques secondes, avant de baisser les prunelles sur le tatouage ornant la cuisse droite de l’amant.
“Pourquoi une hyène ?”
Elle ose parler, Scar. Depuis trois semaines, la situation change. S’améliore, presque. Parce que Charlie, il a commencé à causer avant de la sauter, et puis après, aussi. Elle n’a pas compris pourquoi, ni comment le changement est intervenu.
Y’a eu ce soir où il s’est pointé, où il lui a seulement dit de se laisser faire. C’était une des rares fois où elle entendait sa voix éraillée et Scar, elle a flippé au départ.
Jusqu’à ce qu’il niche sa tête entre ses cuisses, pour ne rien demander de plus. Ce soir-là, Scar a arrêté d’avoir peur, l’espace d’une soirée. Elle a senti son cœur s’emballer, son abdomen vriller sous un plaisir qu’elle avait oublié après des mois de captivité.
Pour une fois, elle a aimé sentir les mains d’un homme contre sa peau. Celles de Charlie, qu’étaient pourtant si glaciales avant.
Il n’a jamais dit pourquoi cette fois avait été différente des précédentes, ni pourquoi le changement s’est installé. Scar n’a pas osé demander. Elle se contente de questions qui ne creusent pas trop, ne voulant pas chambouler l’instabilité palpable émanant de Charlie.
Et alors qu’il baisse les yeux pour observer son tatouage, elle espère ne pas avoir dépassé cette ligne invisible qu’elle peine à trouver.
“Elles ont une bonne gueule.” Il tire sur sa clope. Son souffle aussi est animé, toujours bercé par la luxure des minutes précédentes.
“Tu rigoles comme elles ?” Et contre toute attente, y’a un rictus qui se dessine sur les lèvres de Charlie. C’est nouveau, complètement inédit pour les prunelles de Scar, qui ne peut réprimer un léger rire. “Oh mon dieu, il sourit !”
Elle se sent capable d’oublier tout le reste, Scar. D’ignorer la terreur qui réside derrière la porte de la chambre. Elle ne sent presque plus la peur ronger son myocarde. Elle pourrait être elle-même, presque.
Mais y’a toujours cette voix qui murmure dans un recoin de son crâne, qui lui répète que Charlie est comme tous les autres et que cette amabilité soudaine cache sans doute un travers qui la blessera le jour où il voudra assouvir un désir malsain lié à tout ça.
Pourtant, il laisse un souffle s’échapper, comme un rire qu’il peine à retenir. La tête tournée vers elle, il plisse légèrement les yeux.
“Comment tu t’appelles, au fait ?”
On lui a claqué un faux nom, pour ne pas prendre de risque. Emma, qu’elle doit dire. Elle est Emma, désormais.
Mais dans un souffle qu’elle ne peut contrôler, sa voix le refuse. “Scarlett.”
Il hoche la tête. La clope est à moitié consumée, maintenant.
Elle se souvient des premières fois, de la façon dont il ne disait rien, du début à la fin. Des coups de reins et rien de plus. Scar avec les genoux à terre et les doigts de Charlie agrippant les mèches brunes. Ça paraît presque lointain, alors qu’il y a encore à peine un mois, c’était comme ça.
Les baisers et la façon dont ses mains à lui glissent contre sa peau sont le plus efficace des remèdes contre la mémoire.
Il tourne la tête vers la porte et se racle la gorge.
“Il prend combien ton mac?”
Elle glisse sa main sous son oreiller. Dans le silence, elle peut entendre les bruits dans la chambre d’à côté, les râles d’un type profitant d’une de ses amies. Est-ce qu’elle a raison de se sentir chanceuse aux côtés de Charlie ?
La chance n’a jamais eu sa place dans un lieu pareil, et il reste comme les autres. Un mec qui paye pour l’avoir.
“Quatre-vingt-dix pour cent.”
“Attends, il te reste que dix putains de dollars sur ça ?” Ses doigts bougent entre elle et lui, signant ce qu’ils sont, qu’importe ce que c’est réellement.
Elle hoche la tête. Dix pauvres dollars, qui lui servent à payer son nécessaire de toilette chaque semaine et de la nourriture en plus de celle fournie.
Charlie, il jure. Il termine sa clope qu’il écrase dans le cendrier sur la table de nuit, avant de glisser hors du lit. Il est grand, beaucoup plus grand qu’elle.
Le caleçon à nouveau enfilé, et il cherche son portefeuille dans la poche de sa veste. Il y a deux fois plus de billets que d’habitude et Scar, elle entrouvre la bouche sous l’effet de la surprise.
“Tiens, les cent habituels et cent pour toi, et toi seulement, ok ?” La main tendue en sa direction, les billets sous la lumière de la chambre.
Elle n’ose pas les prendre, Scar. Elle a trop peur. Et si ça se sait ? Et si cette fois, les répercussions étaient pires ? Elle porte encore des marques, ci-et-là sur sa peau. Elle a peur. Elle est terrifiée et l’instant passé avec Charlie n’est plus assez pour occuper cette portion de son esprit qui prend beaucoup trop de place.
“J’peux pas,” qu’elle murmure en secouant la tête.
“J’vais les laisser ici que tu les veuilles ou non, tu décides si c’est toi, ou l’autre qui les a au final.” Charlie, il dépose les billets sur la commode.
Scar ne dit rien alors qu’il se rhabille. Elle ne regarde pas l’argent, non plus. Elle attrape sa robe qu’elle enfile à nouveau sans vraiment y mettre du soin ; elle devra aller se doucher avant le prochain client de toute manière.
“J’reviendrai mardi, je pense.” Charlie enfile sa veste et se dirige vers la porte. “Bye.”
Et il s’évade, comme ça. Comme tous les autres.  

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